Au début du XXe siècle, l’observation de la couronne solaire en dehors des éclipses est réputée impossible pour les astronomes, car son étude avec les instruments de l’époque pose trois problèmes majeurs : la diffusion atmosphérique, l’auréole lumineuse due aux poussières, et la diffusion instrumentale.
La diffusion atmosphérique terrestre, un million de fois moins brillante que le disque solaire, est relativement peu gênante en altitude où elle est amoindrie. L’auréole lumineuse située autour du Soleil -due aux poussières et impuretés dans l’atmosphère de la Terre- est beaucoup plus intense que la couronne ; toutefois elle varie avec les conditions météorologique et diminue sensiblement avec l’altitude ce qui permet de la contenir dans certaines limites.
La diffusion instrumentale est encore plus problématique, notamment du fait des doubles lentilles qui multiplient les défauts de poli et d’homogénéité.

 

Jusqu’alors, les seules observations de la couronne avaient été menées durant les périodes d’éclipses totales. Les astronomes qui avaient tenté de reproduire une éclipse artificielle au foyer de la lunette -en cachant la surface éblouissante du Soleil par un disque- avaient connus des échecs récurrents à cause de ces trois raisons.

Les effets de la diffusion atmosphérique et de l'auréole lumineuse sont l'un et l'autre sensiblement réduits en altitude: c’est pourquoi Bernard Lyot va privilégier les observations en haute montagne au Pic du Midi. Bernard Lyot se concentre sur le troisième problème -la diffusion instrumentale- et développe un instrument diffusant très peu la lumière.

S’écartant des procédés utilisés par ses prédécesseurs, il remplace la double lentille achromatique par une lentille plan-convexe, élaborée avec soin dans les meilleurs disques de borosilicate de la société Parra-Mantois-. Il applique aussi à cette lentille un traitement artisanal contre la poussière électrostatique.

Bernard Lyot conserve le principe de l’éclipse artificielle -générée par un disque en laiton intercalé entre la lentille et l’oculaire pour arrêter les rayons directs du Soleil- mais il ajoute à son dispositif un écran percé d’une ouverture annulaire -sorte de diaphragme- qui permet d’arrêter la lumière diffractée par les bords de la lentille et de réduire considérablement la diffusion instrumentale.

 

A l’issue d'une campagne d’observation au Pic du Midi en 1931, Bernard Lyot s’attache à apporter à son instrument les améliorations nécessaires pour que les résultats soient meilleurs que ceux obtenus en période d’éclipses. Ses recherches aboutissent au coronographe définitif qui servira au Pic-du-Midi jusqu’en 1974.
Bernard Lyot conserve pour un temps les secrets de ses instruments afin de maintenir son avance pour l’étude de la couronne solaire.

La fin de la baisse de l’activité solaire en août 1935 est une période favorable pour retourner au Pic expérimenter le nouvel instrument mais malgré toutes les améliorations, les mauvaises conditions météorologiques entravent certaines observations. Grâce aux raies spectrales verte et rouge émises dans la couronne, et qu’il observe au spectrographe, il établit les premières estimations de la température de la couronne -660 000°-. L’estimation de la température de la surface solaire -5600°- le fait douter de l’exactitude de ses mesures, c’est pourquoi il attribue ce qu’il observe à autre chose qu’à un phénomène thermique.

 
En juin 1936, Bernard Lyot réalise au Pic du Midi des études sur les quatre raies coronales importantes et sur les spectres de la couronne : il vérifie alors que certaines raies ne correspondent pas à des atomes connus.
Tout d’abord identifiées comme résultant d’un corps inconnu, le coronium, ces raies seront par la suite reconnues comme la marque d’atomes de métaux -comme le fer- ayant perdu de nombreux électrons sous l’excitation de la température très élevée de la couronne.
Ces études permettront à Bernard Lyot d’établir de nombreuses connaissances sur les radiations émises par la couronne , en recensant leurs longueurs d’onde et leurs répartitions autour du Soleil.
En 1937, Bernard Lyot apprend à Max Waldmeier les techniques de l’observation coronographique et l’aide à construire son propre instrument pour la station d’Arosa en Suisse; cette étape marque la fin de son monopole d’observation.

Conscient dès 1920 que l’étude de certains objets solaires nécessite une observation délimitée à certaines radiations du spectre, Bernard Lyot imagine un instrument capable d’encadrer exactement l’émission coronale à analyser : le filtre polarisant.
Ce filtre monochromatique sera efficient en 1938, avec une sélectivité de 2 ou 3 angströms selon la longueur d’onde observée et il l’utilisera pour des observations solaires à l’Observatoire de Meudon et au Pic du Midi.
Parallèlement à l’élaboration du filtre polarisant, Bernard Lyot améliore son polarimètre en un dispositif beaucoup plus sensible, le polarimètre photoélectrique.

 

En 1949, Bernard Lyot assemble ces deux instruments en un seul appareil ; il met au point le coronomètre photoélectrique qui permet de réaliser des observations de la couronne solaire sans coronographe, et ceci même au foyer d’une lunette ordinaire, dans un site d’observation classique comme celui de Meudon.

En 1950, Bernard Lyot capte la couronne solaire au-delà du bord solaire grâce à son nouvel instrument et en envisage de nombreuses autres utilisations, présentées à la fin de sa note à l’Académie des sciences du 21 août de la même année. D'autre part, le champ magnétique modifie la polarisation des raies spectrales, et c'est donc par la mesure de polarisation qu'on accède à la mesure de champ magnétique. Dans le plasma de la surface solaire, c'est le champ magnétique qui est responsable des éjections de matière, c'est pourquoi sa connaissance est fondamentale. Le premier, Bernard Lyot a observé de la polarisation linéaire (faible) dans la raie "verte" (à l'époque dite "du coronium", car cette raie semblait provenir d'un élément inconnu sur terre) de la Couronne Solaire. Il en a mesuré le taux et la direction de polarisation, qu'il a trouvée radiale. Le premier également, Bernard Lyot a observé la polarisation linéaire des raies des protubérances (Halpha de l'hydrogène et D3 de l'hélium) et mis en évidence la rotation de la direction de polarisation par rapport à la direction du bord solaire, signe du champ magnétique. Ces découvertes observationnelles ont donné lieu par la suite à d'importants travaux théoriques effectués à l'Observatoire de Paris-Meudon, pour les interpréter (voir la section "Héritage Scientifique").